vendredi 5 novembre 2010

Engagement dans une Coopération Franco-britannique ?


Le 26 Octobre 2010, Hervé Morin, ministre de la Défense, plaidait dans La Tribune, une plus grande coopération entre les forces armées française et britanniques, notamment en suggérant que le Charles de Gaulle puisse embarquer à son bord des avions de la Royal Navy. Ce accord, permettrait, toujours selon-lui, d’assurer une permanence à la mer, mais serait aussi « un grand et fort symbole ». Principalement par des motivations budgétaires, sous capacité de l’un se compenserait par la sur capacité de l’autre, notamment au niveau des avions ravitailleurs britanniques, sur la piste d’un « partage des coûts ». M. Morin évoquait aussi la rationalisation de la filière missilière, au sein d’un one-MBDA (groupe industriel français du secteur de l'aéronautique et de la défense, leader européen dans la conception et la production de missiles - né en 2001 de la volonté de créer un missilier européen (on parlait à sa création de l’« Airbus des missiles »), c’est la fusion des entreprises Matra BAe Dynamics (filiale à 50 % d’European Aeronautic Defence and Space Company et à 50 % de BAe Systems), d’Aerospatiale Matra Missiles (filiale à 100 % d'EADS) et d’Alenia Marconi Systems (filiale à 50 % de Finmeccanica et à 50 % de BAE Systems) – pour faire simple ), ou encore d’une industrie de « Drones du futur ».






Et comme on aurait pu s’y attendre, la semaine d’après, le mardi 2 novembre 2010, Paris et Londres annonçaient la signature de nouveaux traités en matière de défense et de sécurité. Plat de resistance du premier sommet Franco-britannique depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition Tory-LibDem, les deux pays affichent clairement leur volonté d’enrayer leur déclin militaire par une politique commune (sous une auge d’intérêt commun, déclarait Liam Fox, ministre de la défense au Royaume-Uni : "Cela a tout à fait du sens dans un monde où les moyens se raréfient, mais où nos intérêts sont de plus en plus communs"), tout en annonçant leur désir d’entraîner les autres Européens.

Aucun secteur, même pas la dissuasion nucléaire n’est exclue par cette coopération, effectivement, l'un des deux traités prévoit la création d'une force militaire conjointe de plusieurs milliers d'hommes, mobilisable pour des opérations extérieures bilatérales ou sous drapeaux de l'OTAN, de l'ONU ou de l'Union européenne. Dans le second traité, les deux pays simuleront, à partir de 2014, le fonctionnement de leur arsenal nucléaire dans un même laboratoire, implanté près de Dijon, dans le centre-est de la France. Parallèlement, un centre de recherche sera ouvert aux spécialistes des deux pays, dans le sud-est de l'Angleterre.

Les deux parties se sont tout de même attachées à rassurer leur peuple respectif, les Britanniques, soucieux  de leur souveraineté, furent comblé par les déclarations de David Cameron : « Le partenariat, oui, mais abandonner notre souveraineté, non ».

Interdépendance, interopérabilité, mutualisation des matériels et des hommes, économies d’échelle n’en sont pas moins autant de mots-clés mis en avant à Paris comme à Londres. Rappelons que le Royaume-Uni et la France, sont des membres permanents de Conseil de sécurité de l’Onu, seules puissances nucléaires membres de l’Union européennes, et qui représentent à elle deux la moitié des budgets de défense de toute l’Union-Européenne.  

Cependant, ces traités ravive les différences régnantes entre les deux pays ; ainsi Le Sun affirme que Paris pourra "bloquer" une nouvelle guerre aux Malouines, îles revendiquées par l'Argentine qui ont été l'enjeu d'une guerre entre Londres et Buenos Aires en 1982.

Dans un éditorial titré "les amis inconstants", le tabloïd accuse "les politiciens français modernes" d'être "des poltrons", citant le refus de Paris de s'engager en Irak aux côtés de Londres et Washington.
Du côté Français, la frilosité des Britanniques quant à la construction européenne de la défense soulève certaines questions, auxquelles Christophe Goussot, chargé de mission à la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) répond sur le site de la Défense :
« Au contraire, une coopération bilatérale renforcée avec la France pourrait tenir lieu de politique européenne pour un gouvernement majoritairement conservateur. Les Britanniques pourraient faire en bilatéral ce qu’il ne souhaite pas dans un cadre institutionnel multilatéral qui est celui de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). »

On ne retiendra ainsi de tout cela que trois choses. Numéro 1, malgré  le retour de la France dans le commandement de l’Otan qui a facilité ce rapprochement, le Royaume-Uni demeurera l’allié privilégié des U.S.A.
Numéro 2, ces traités sont avant tout une manière pour les deux états de réduire leur budget après le passage d’une crise financière aux dégâts toujours immesurables, et enfin Numéro 3 il apparaît évident que ces traités annoncés début Octobre ne sont qu’une préparation d’une approche conjointe franco-britannique au sommet de l’Otan à venir, les 19 et 20 novembre 2010 à Lisbonne, comme le promet la présidence française.

Lucas