vendredi 19 novembre 2010

Mister B. - Trafiquant international


Aujourd’hui, un billet sur le côté sombre de la force dans l’armement, avec les récentes actualités concernant le « marchand de mort », le présumé Tadjik Viktor Anatolievitch Bout.
Créateur du plus vaste réseau international de trafic d’armes, il a enfreint les lois d’un nombre incalculable de pays, en violant la majorité des embargos des Nations Unies.

Lors de l’effondrement de l’URSS, Viktor Bout, 25 ans, commence à profiter du stock impressionnant d’outils/machines/armes que l’ex Union soviétique souhaitait mettre en vente. De par sa formation à l’Institut militaire des langues étrangères de Moscou, qui était alors un vivier de l’espionnage soviétique, il collecte les contacts nécessaires à son futur petit commerce. Commençant par des avions cargo, Viktor Bout se rend compte rapidement du profit que pourrait générer la vente d’armes. Kalachnikov, AK-47, lance roquettes RPG, munitions par millions, mais aussi blindés, missiles divers et hélicoptères de combat, tout ce matériel va désormais être disponible sur le marché mondial grâce à la capacité logistique du « Lord of War ». La mort brutale du système soviétique laisse derrière elle des arsenaux pleins, des flottes d’avions et de tanks désormais livrés à l’abandon.

Son Business plan est très simple, son réseau vide les stocks soviet pour une poignée de roubles en Bakchich par achat de l’armement au kilo, les chargent dans des « cercueils volant » (il acquit avec les années et par un montage de société opaque une flotte d’une cinquantaine d’avions) pour aller atterrir sur les plus mauvaise pistes au monde, comme en pleine savane, et armer les conflits pauvres, au début africain puis afghan, mais très meurtriers. Son activité est camouflé derrière une activité de fret, une couverture fonctionnant notamment par la vente de poulets congelés, de fleurs, mais aussi de minerais et diamants, allant jusqu’à transporter l’aide humanitaires des Nations unies ! On dira de Viktor Bout qu’il travaillait avec le gouvernement russe, que ceux-ci l’avait accepté du fait de son expérience et de son potentiel.

Le Russe Viktor Bout (il possédait au moins 5 autres passeports) devient par la suite le principal pourvoyeur mondial d’armes des pays sous embargo. Fait surprenant, il compte au sein de son portefeuille clients des clans s’opposant, il fournissait par exemple autant Ahmed Shah Massoud que ses ennemis, les talibans.

C'est l'une des règles d'or de ce métier: un trafiquant d'armes n'a pas d'états d'âme. Durant la guerre d'Angola, Victor Bout a vendu de l'armement aux deux camps ennemis, à l'UNITA rebelle de Jonas Savimbi comme à l'armée gouvernementale. De même l'une de ses compagnies, Aerocom, a acheminé, en février 2003 toujours en Angola, de l'équipement de déminage pour le compte de l'association humanitaire britannique Halo Trust, alors que quelques années auparavant un rapport de l'Organisation des Nations unies (ONU) avait dénoncé cette société pour ses transports de mines en Afrique.

Quand ils se sont rendu compte que la plupart de ses noms d'emprunt (Butt, Butte, Bont, Boutov…) commençaient par la même initiale, les policiers, avec leur sens du raccourci, ont rebaptisé le plus célèbre trafiquant et convoyeur d'armes illicites de ces dix dernières années, "Victor B". "B" comme bombe, business ou encore baraka.

Un rapport des services secret d’Afrique du Sud, le définissait comme « … un des principaux acteurs dans le trafic des diamants de sang en Afrique », car bien souvent, les rebelles et pays pauvres ne disposant de pas assez de cash, utilisaient des diamants, ou encore du coltan, un minerai recherché par l’industrie électronique.

Le film, sortit en 2006, « Lord of War », s’inspire largement de cette saga Bout, et souligne bien la relation entre trafiquant d’arme et gouvernement, car l’un est utile pour l’autre, si tant est que le trafiquant ne devienne trop médiatique. Par exemple,  même si les avions de Viktor Bout avaient alimenté en armes Al-Qaida dans l’Afghanistan, où Oussama Ben Laden préparait ses attentats du 11 Septembre, cela n’empêchera pas les Etats-Unis de faire appel à ses services après l’invasion de l’Irak pour faire livrer des armes aux troupes américaines et à leurs alliés. En 2004, les avions de Viktor Bout ont effectué plusieurs centaines de vols pour le compte de l’administration américaine ou l’un de ses sous-traitants, pour une facture se montant à près de 60 millions de dollars. Contrat qui fût rompu uniquement en raison de fuite dans la presse.

Après un mandat d’arrêt international émis par Interpol, les autorités américaines se heurtèrent vite au réseau de Viktor Bout, et comprirent après avoir parlé au Kremlin, qu’il était couvert par des acteurs influents de par le caractère indispensable qu’il revêtait. Il était le seul à faire ce qu’il faisait aussi bien.
Viktor Bout, semble ainsi échapper à la justice, et s’installe dans la confortable Moscou, loin des turpitudes de l’Afrique. Il mène grand train aux yeux de tous, malgré son mandat d’arrêt, et va même jusqu’à donner une interview, où il se définit comme « un simple homme d’affaire » et explique qu’on le persécute parce que « personne ne peut supporter qu’un Russe réussisse ».

Finalement arrêter par un piège des agents américains se faisant passer pour des acheteurs FARC, nous reviendrons dans un autre article sur les événements actuels, son arrestation, et son extradition, une fois son jugement effectué au Etats-Unis.

 Lucas